Contribution
à la préparation du livre blanc
En
ma qualité de citoyen, je souhaite apporter une modeste
contribution au nécessaire débat qui doit accompagner la rédaction
du Livre blanc. Il n'est pas question ici de se substituer aux
travaux de commissions de spécialistes mais d'apporter un éclairage
sur quelques points. La Cour des Comptes, le Sénat ont récemment
écrit sur les orientations futures possibles pour nos armées sans
préjuger des travaux lancés
le 13 juillet par le Président de la République.
Le
monde dans lequel nous vivons évolue toujours plus vite et sera de
plus en plus soumis aux aléas climatiques et à la raréfaction
globale des ressources. L'Europe perd lentement de sa puissance au
détriment de nombreuses grandes nations émergentes. Cette
compétition donne lieu à une accélération de la course aux
armements dans de nombreuses régions du monde dont certaines
affectent les intérêts stratégiques de l'Europe.
En
Asie, le Chine et l'Inde se livrent à une course à la supériorité
militaire entrainant la majorité des états de la région même les
moins riches comme les Philippines. En
Amérique du Sud , la situation est identique avec la compétition
entre le Brésil, le Venezuela et le réarmement chilien. La
situation est toujours explosive au Moyen Orient avec une
concentration de forces militaires de mieux en mieux équipées aux
abords de l'Iran. En Europe on constate une forte baisse des dépenses
militaires. Aux États-Unis, la tendance est la même après la très
forte augmentation de la dernière décennie.
Les
menaces
Les
menaces restent sensiblement les mêmes mais évoluent en raison de
la fragmentation
toujours plus prononcée du monde (tensions
identitaires, religieuses, ethniques, ou économiques et sociales).
Les conflits asymétriques et le terrorisme continueront sans doute à
prévaloir dans de vastes zones. La piraterie maritime malgré une
accalmie récente dans le basin de Somalie va perdurer voire se
développer dans certaines régions du monde. La diversité des
situations de crises ne doit pas mener à une simplification
réductrice. Chaque conflit a sa propre logique qu'il sera important
d'appréhender pour mieux s'y confronter.
Les
zones d'instabilité se déplacent le long de ce que l'on appelle
pour simplifier - l'Arc de crise . D'autres zones pourront être
touchées et créer une nouvelle surprise stratégique. La zone
AFGH-PAK ne sera sans doute pas plus stable après le retrait de la
FIAS mais l'intérêt pour cette zone pourrait être moindre pendant
plusieurs années. La Somalie et le Soudan continueront à constituer
des zones de conflits même si pour cette dernière , l'action de
l'AMISOM renforcée devrait permettre enfin de stabiliser cette
région.
Les
évènements récents dans la zone sahélienne amène à penser que
cette zone sera de première importance au cours des prochaines
années. L'Union Africaine et la CEDEAO auront besoin de l'aide de
l'Europe. L'UE ne s'y est pas trompée en créant une mission (EUCAP
SAHEL NIGER) pour renforcer les forces de sécurité de ce pays et
ne proposant une force de stabilisation pour le Mali. Il en va de la
stabilité de vastes zones ainsi que de l'approvisionnement en
matières premières stratégiques comme l'uranium.
Plus
inquiétants sont les menaces contre notre territoire, nos
infrastructures, nos réseaux d'informations. Au delà de la
cyberdéfense, il faut désormais intégrer la notion de cyberguerre
qui donne une dimension nouvelle. La prise de la fragilité de nos
sociétés et l'adaptation à ces menaces est cruciale pour les
armées.
Ces
quelques lignes ne peuvent pas traduire toute la complexité du monde
dans lequel nous évolutions mais permettent de mettre en perspective
les menaces. Le PP30 reprend ces mêmes thématiques qui sont
désormais bien connues.
Quelle
est notre réponse à ces menaces
La
défense française s'est continuellement adaptée au contexte
environnant, souvent dans l'urgence. Si un rapport récent de la
Cours des Comptes décrit les difficultés de l'institution militaire
à "digérer" l'ensemble des reforme sen cours ; le bilan
reste globalement positif. La création des bases de défense et la
montée en puissance du niveau interarmé est encore une nouveauté
pour les armées. Les lois de programmations, les quelques livres
blanc successifs, ont permis de tracer une voie cohérente malgré
les changements politiques et les aléas budgétaires.
Aujourd'hui
, la France au sein de l'OTAN et de l'UE joue encore un rôle dans ce
monde dangereux. Sans faire de triomphalisme, elle dispose encore
d'un vaste spectre de capacités militaires. Grâce à ses bases
réparties le long des zones crisogènes et à ses forces
prépositionnées ou de souveraineté ; elle peut réagir très vite
au profit de l'Europe où de ses intérêts propres.
Les
interventions actuelles surtout en Afghanistan, en Libye en 2011 et
dans la lutte contre la piraterie en Somalie témoignent de cet
engagement en faveur de la paix et de sa capacité à
agir en ouverture de théâtre. Selon les sénateurs l'opération
Harmattan, conjuguée avec les autres engagements opérationnels
ont conduit l’armée de l’air à la limite de son contrat
opérationnel.
Ces
engagements récents mettent aussi en exergue les maux dont souffrent
les armées de tous pays. Elles sont rarement prêtes au conflit
suivant ; elles ont toujours besoin d'une période d'adaptation des
matériels , des tactiques et des personnels.
Le
nouveau livre blanc devra prendre en compte l'évolution des menaces
et intégrer la nouvelle dimension de la crise économique. Il faudra
sans doute chercher des solutions simples et économiques à
nos problèmes. Il va falloir rompre avec le tout technologique et
chercher des solutions déjà éprouvés techniquement sans désarmer
notre pays.
Quelques
recommandations
il
n'est pas question d'évoquer un quelconque contrat opérationnel ou
un format d'armées hors de portée pour ce modeste article. Je me
bornerais a évoquer des capacités qui font défaut à
nos armées ou celles à
préserver. Trop souvent le maintien d'une capacité ou sa
disparition ne sont que le résultats de lobbying entre armées et
subdivisions. Ceci n'est plus acceptable par les citoyens de ce pays.
-Continuer
à penser un conflit majeur comme une possibilité envisageable.
-Capitaliser
l'expérience du conflit afghan et généraliser l'utilisation des
équipements acquis .
Projection
des Forces
-L'armée française est une
force expéditionnaire, malheureusement sans moyens de projections
suffisants. Chaque année plusieurs centaines de millions d'euros
sont dépensés en contrat pour la location d'appareils de transports
stratégiques russes.
-Penser
la projection des forces à l'aune de l'alourdissement des unités.
Disposer d'une capacité propre(ou au sein de l'EATC) d'appareils de
transport stratégique en plus des A400M. Le C17 semble s'imposer
car quinze exemplaires sont en service au sein de pays de l'OTAN
(hors USA), L'imminence de la fermeture des lignes d'assemblage de
C17 milite pour un choix rapide.
-Effectuer
un choix comparable pour un hélicoptère de transport lourd, éprouvé
comme le CH47 qui démultiplierait les capacités de l'ALAT ou de
l'armée de l'air .
-Continuer
à entretenir un réseau d'implantations outre-mer et à l'étranger.
Mutualiser au profit de l'Europe ou dans le cadre d'accords
bilatéraux, une partie de ces installations.
Capacités
d'agression
-Donner
une puissance de feu supérieure aux forces conventionnelles en
anticipant une réduction de nos unités en général
-Pour
l'infanterie, il faut redonner des moyens d'appuis organiques comme
des mortiers , généraliser la mise en place de lance grenades de 40
mm ou de type Airburst .
-Pérenniser
le LRU qui est une arme de précision longue portée.
-Envisager
l'achat d'appareil gunship utilisant des appareils du type Casa 295.
Armer les drones MALE des leur mise en service. Redonner une capacité
antiradar à
l'armée de l'air.
-
Pour la marine développer la mise en place des missiles sur la
majorité des structures. Doter les navires de « premier
rang », d'une artillerie de calibre 127 mm afin de permettre un appui feu naval qui a démontré encore son utilité lors de l'opération Harmattan.
Adaptation
-Considérer
que poursuivre l’adaptation de nos forces, c'est quelquefois
remettre en questions certains choix faits par le passé. Au sein de
l'armée de terre, remettre en place la pleine capacité
opérationnelle des unités semble indispensable.
-Adapter
les unités au combat en zone désertique et en montagne.
-Développer
le caractère amphibie de certaines unités et acquérir des
matériels spécifiques.
-Amplifier la coopération
européenne dans le domaine de l'armement dans le cadre d'une
restructuration négociée du secteur au niveau européen.
Privilégier
l'ONU
-S'engager
plus au profit des Nations Unies pour en faire le seul garant de la
paix internationale. Divers conflits sont négligés et qui
nécessiterait un soutien de la France aux opérations de l'ONU; on
peut citer le cas d'Haïti, du Soudan ou du Darfour.
Conclusion
On
pourrait penser que les propositions énoncées ci-dessus se résument
à
acheter des équipements outre atlantique. Il s'agit de pouvoir
disposer des équipements indispensables à
la conduite d'opérations militaires. Ce que les industriels français
et européens ne peuvent construire doit être acheté. A l'inverse,
investir dans les drones de longue endurance ou la défense
antimissile en national doit être une priorité.
Comme
le dit la commission de la défense du sénat
: "Nous
avons une «
armée de poche » - de haute qualité mais vulnérable aux
effets de rattrapage dus à la crise comme aux
évolutions technologiques défavorables."
Sources
rapport
N° 680 Enregistré
à la Présidence du Sénat le 18 juillet 2012