24 oct. 2019

16ème édition du Salon arms and security Kiev 2019



Questions défense s’est rendu à Kiev où se tenait la seizième édition du salon de l'armement Arms and Security 2019. L’évènement qui s’est déroulé du 8 au 11 octobre au Centre international des expositions a réuni environ 370 exposants, dont 48 étrangers de 16 pays différents, Des entreprises des États-Unis, de Pologne, du Danemark, de Finlande, de Belgique, de Biélorussie, d'Autriche, de République tchèque, de Turquie, d'Allemagne, d'Italie et de Lettonie. , Croatie, Israël, Chine, Kazakhstan étaient présentes. Des pavillons nationaux avaient été installés par les États-Unis (9 entreprises), la Pologne (6 entreprises), la Turquie (14 entreprises) et la République tchèque (3 entreprises). Le salon s’est tenu la semaine précédant le jour des défenseurs de l’Ukraine, qui est célébré le 14 octobre depuis 2015.

Côté ukrainien, 36 sociétés appartenant au « conglomérat » de défense étatique Ukroboronprom, 23 sociétés de la "Ligue des sociétés de défense de l'Ukraine", 2 sociétés de l'Agence spatiale nationale et 130 autres entreprises publiques et privées ont participé à la foire.

Selon l’agence de presse Ukrinform, le conglomérat Ukroboronprom, avec ses 36 sociétés présentaient 135 types de technologies et d’armes au salon. Ceux-ci comprennent des véhicules blindés, le missile antinavire "Neptune", le radar 90K6E. Six nouveaux développements du groupe étaient présentés. De nombreux exposants dans le domaine de la sécurité, incendie, sécurité civile ont participé à cette exposition.

Près de 24000 visiteurs ont arpenté les allées du salon. Les nations les plus représentées étaient le Turquie, la Pologne, la Grande Bretagne, la Lituanie, la Chine, l’Allemagne, les États-Unis et les émirats arabes unis.

L’Ukraine reste un pays en guerre après la perte de la Crimée et à l'émergence d'un mouvement séparatiste armé à l'est soutenu par la Russie. Dans ce contexte, l'Ukraine a poursuivi ces dernières, deux objectifs de sécurité essentiels : renforcer ses relations avec les pays occidentaux, en vue de l'adhésion à l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et moderniser son armée pour éviter toute nouvelle perte de territoire et rétablir la dissuasion contre la Russie.  Les États-Unis restent un appui vital pour l’Ukraine, fournissant selon les président de l’armement non létal ou létal depuis la prise de fonction de l’administration Trump.

L’Ukraine dispose pour des raisons historiques d’une industrie de défense très développée. Elle est active notamment dans le domaine des véhicules blindés, de l’artillerie, des systèmes de radiolocalisation, les radars et la défense aérienne. La construction navale était un poste important, l’aéronautique et les armements de haute précision. Motor-Sich est l’un des plus grands fabricants de turbines et moteurs d’avions.

Jusqu’à très récemment, les industries de défense russes et ukrainiennes étaient encore très interdépendantes. De nombreux produits intégraient des composants de l’autre pays. Ainsi le véhicule blindé BTR4 qui était à l’origine avec 45 % d’équipements russes est maintenant à 85% ukrainiens les 15 % provenant de partenaires étrangers.

En 2017, le pays a adopté un programme de modernisation de sa BTID, en éradiquant pour l’ensemble des productions tout composant russe. La perte de la Crimée a amené l’Ukraine à recréer certaines usines en profitant pour adopter les standards OTAN.

Le 20 septembre, la ministre des Finances, Oksana Markarova, a présenté le projet de budget pour la défense et la sécurité, d'un montant de 245 milliards UAH (soit 9,89 milliards USD). Il s’agit d’une augmentation de 16% par rapport à 2019 et cela représente 21% de l'ensemble des dépenses publiques prévues pour 2020. Dans un contexte de guerre larvée, il s’agit pour le pays de compenser les pertes et de doter les unités militaires et de police récemment créées de nouveaux équipements.

Kiev ne peut assumer seul le développement de certains armements très sophistiqués ; ainsi de nouvelles coopérations ont été lancées avec des pays de son environnement. On peut citer un accord sur le développement de véhicules avec la Jordanie. La Turquie semble un important partenaire car l’Ukraine lui a acheté des équipements donc récemment des drones tactiques armés Bayaktar TB2 et des micro bombes MAM-L de Roketsan.

Le président Volodymyr Zelensky a visité le salon le 9 octobre, Le ministre de l'Intérieur, Arsen Avakov, le ministre de la Défense, Andriy Zahorodniuk, et le chef de l'état-major des forces armées ukrainiennes, Ruslan Khomchak, ont assisté à la cérémonie d'ouverture.

Il y a une dernière caractéristique du secteur de l’armement ukrainien ; il s’agit de son niveau très élevé de corruption.  Ceci n’est pas sans créer de problème avec ses alliés les plus proches notamment les américains

Voici quelques productions repérées dans les allées du salon

Dans le domaine des drones terrestres, Infocom a dévoilé son drone terrestre (UGV) Scorpion.
L'UGV à chenilles a été conçu pour participer à des missions de de reconnaissance tactique, constituant dans ce cadre une plate-forme de tir multifonctionnel mobile. Le Scorpion est équipé d’une mitrailleuse RPK de 7,62 mm et de deux lance-roquettes RPG. Différents niveaux d’autonomie sont proposés, notamment « follow me », le suivi de waypoint ainsi que le retour à la base.

La compagnie Ukrainian company Roboneers a présenté son nouveau drone terrestre Camel et une version améliorée de l’Ironclad lors de ce salon. Le drone Ironclad de 1500 kg a été modifié pour intégrer une mitrailleuse de 12,7 mm téléopérée. Le véhicule embarque 400 cartouches de munitions. Il dispose d’une vision de jour et de nuit, ainsi qu'une imagerie thermique à 360 degrés. Il dispose maintenant d’un nouveau système de refroidissement afin de permettre son utilisation par temps chaud.

Le drone Camel est une plateforme 4×4 de 500 kg qui peut transporter 400 kg de charge. Il peut opérer jusqu’à 11 heures et 130 kms de distance en mode hybride ; deux   heures avec l’énergie de ses seules batteries.  Cet UGV se déplace à une vitesse maximale de 20km/h.

"SpetsTehnoEksport présentait le véhicule polyvalent sans pilote "Phantom" qui est l’un des développements les plus avancés.  Multifonctionnels et capables d'accomplir des tâches qui ne sont maintenant effectuées que par des soldats et mettent leur vie en danger. Le Phantom est un mini transporteur blindé télécommandé. Les systèmes d’observation de jour et de nuit permettent de tirer à plus de 1 km. Sa portée opérationnelle peut aller jusqu'à 20 km, il est exploité au moyen d'un canal radio sécurisé ou d'un câble à fibres optiques de 5 km de long.

Une offre étoffée de radars

L'Ukraine est l'un des dix pays au monde engagés dans le développement et la production de radar. Dans le domaine de l’artillerie, on peut citer le radar de contre batterie 1L220E produit par Iskra. Selon le constructeur, il permet la détection de tir d’artillerie, de mortier, de missile dès le départ du premier coup.

Dans le domaine de la surveillance de l’espace aérien, la même société avait modernisé le radar soviétique ST-68U en modèle 36D6-M. L'un des derniers développements de l’entreprise est le radar 80K6T haute précision, qui a été présenté pour la première fois en 2017, capable de fonctionner même sous fort brouillage.  Cette année Iskra présentait un exemple de son radar de surveillance 3D 90K6E conçu pour détecter des cibles volant à basse, moyenne et haute altitude. Ce radar, facilement déplaçable, détecte les cibles jusqu’à 500 km et peut suivre plus de 300 pistes. Il effectue 12 rotations par minute, permettant une actualisation toutes les 5 secondes. Le radar secondaire mobile Trasa-M figure aussi au catalogue de l’entreprise.

De nombreuses sociétés locales fournissent drone, systèmes anti drones et appareils de vision nocturne. On peut citer Archer qui produit des caméras, binoculaire et des lunettes.  

Les véhicules terrestres

L’Ukraine produit de nombreux véhicules blindés hérités de l’époque soviétique. Le produit phare dans le domaine des blindés est le char de combat Oplot qui est une évolution du char T80. L’industrie locale propose la modernisation de tous les types de blindés depuis le T55. Outre le BTR4, de multiples versions du BTR3 sont proposées. La firme NPO Practika propose le véhicule de combat blindé Otaman 8x8 qui est basé sur le véhicule blindé BTR-60.

Les entreprises du secteur proposent depuis quelques années des modèles de MRAP à partir de plateformes d’origine asiatiques, américaines ou européennes. NPO Practika propose le MRAP Kozak, construit sur le châssis Iveco Daily et le Kozak 5 conçu pour les forces de police et les groupes d’intervention.  KrAZ lié au fabricant Streit propose le Spartan dont plus de cinquante exemplaires sont en service au sein des forces armées ou de la garde nationale.

Dans la catégorie des “nouveautés”, on peut citer le Bars 8 produit par la société Bogdan qui est un constructeur historique de bus et de camion d’Ukraine.  Dévoilé en 2015, Bars-8 qui est construit autour du châssis du Dodge Ram a passé avec succès les tests du ministère de la Défense en avril 2016. Les forces armées ukrainiennes ont reçu en septembre, leurs premiers Bars-8MMK (mobile mortar complex) équipés de mortiers de 120 mm.


Ukranian Armor présentait son MRAP Sokil et le Varta-Novator 4×4 en service au sein de la garde nationale d’Ukraine.  Cette société s’est créé très rapidement au moment des évènements de la place Maidan.

Le module de combat Taipan est une nouvelle tourelle télé-opérée offrant une grande précision et une puissance de feu importante, pouvant être facilement intégrée à des véhicules blindés à roues ou à chenilles. De construction ukrainienne, le taipan est équipé d’un double canon de 23 mm, pouvant engager les cibles jusqu’à 1800 mètres. Il peut être équipé d’une mitrailleuse de 7.62 mm,12.7 mm. Un lance-grenade automatique de 30 mm peut être installé sur la structure.
Le module, d’un poids minimum de la tourelle de 350 kg, peut être installé sur des structures fortifiées comme des checkpoints et contrôlés à distance.

Les missiles terrestres et anti navires

Les entreprises ukrainiennes travaillent à l’amélioration des missiles et roquettes. Le Vilkha-M, version améliorée du BM-30 Smerch de 300 mm a subi avec succès une série de tests selon le ministère de la défense.

Le bureau de conception Yuzhnoye a révélé qu’il mettait au point un nouveau missile air-sol supersonique, appelé « Bliskavka » (foudre/éclair). Une maquette à l'échelle du Bliskavka était présentée lors de l'exposition. Selon ses développeurs, ses performances seraient supérieures à celles du missile russe Kh-31. Il aura une vitesse supérieure à Mach 3.5 et pourra être d’une tête de guidage pour attaquer les navires, antiradar pour les missions SEAD ou électro-optique. 

Missile antinavire Neptune

Le constat a été fait que la marine ukrainienne n’était pas en mesure de défendre les côtes et de repousser un éventuel débarquement russe en raison de la puissance de la flotte de la mer Noire. La solution de batteries côtières de missile est donc désormais privilégiée par le pays. Le missile Neptune a été développé dans ce cadre-là. Lancé depuis la terre, il a une masse au décollage de 750 kg, une portée de 5 à 290 kms, à une hauteur comprise en 10 et 16 mètres. Sa tête militaire de 150 kg lui permet de s’attaquer aux navires de surface jusqu’à 5000 tonnes. Le missile a été construit avec l’expérience que le pays détient déjà dans le domaine des missiles, ainsi le booster du Neptune est celui du missile sol-air S125 encore en production. Le bataillon Neptune à deux batteries de tir disposera de 72 missiles dont 24 montés sur les lanceurs USPU-360.

La modernisation des hélicoptères et avions russes 
Le secteur aérospatial ukrainien a la capacité d’assurer la maintenance des hélicoptères russes. Un hélicoptère Mil Mi-17 et Mi-2 entièrement révisés et modernisés par des entreprises ukrainiennes étaient en exposition. L’entreprise Motor-Sich et Aviakon plant, ont toutes deux une expérience approfondie des machines russes.

Le cœur de ma modernisation du Mi-17 est l’installation du turbomoteur V3-117VMA-SBM1 série 5, qui offre une durée de vie supérieure de 30% à celle du modèle précédent et une consommation de carburant réduite. La conception de ce turboréacteur/turbopropulseur est pourtant ancienne, sa mise au point datant de 1972.

Nouvelle version modernisée localement du Mi8

Le Mi-8MSB-W exposé lors du salon, était présenté par Motor-Sich en coopération avec le groupe Ukroboronprom. La propulsion et l'avionique de l'hélicoptère ont été modernisés et numérisés. L’appareil est multi-rôle avec des roquettes non guidées de 80 mm, des canons mais également les missiles de production nationale Barrier-V. 

Une évolution du Mi-2

La société Motor-Sich est intéressée par une coopération le constructeur d’hélicoptères polonais PZL Swidnik car le fabricant polonais dispose de la documentation de production complète et dispose aussi des autorisations requises pour modifier les hélicoptères Mi-2.

Le Mi-2 ukrainien motorisé avec le moteurs AI-450M, dispose d’une puissance de 465 CV, d’une consommation de carburant inférieure de 27%. L’hélicoptère peut recevoir des roquettes de 80 mm en pod extérieur ou une mitrailleuse de 7.62mm. Motor-Sich souhaite proposer ses hélicoptères Mi-2MSB et MSB-2 sur les marchés d'exportation, principalement en Asie et en Afrique, où une quantité importante de Mi-2 sont toujours en service actif.
La société Radionix est en mesure de moderniser les avions Mikoyan MiG-29, Sukhoi Su-27 et Su-30.  Il ne s’agit pas seulement de quelques modifications de cockpits pour les rendre compatibles avec l’OTAN. Les modifications doivent permettre de moderniser l’avion, la portée du radar et celles des missiles en parfaite autonomie par rapport aux fournisseurs russes.

Radionix propose trois options de mise à niveau: un nouveau radar, appelé Esmerelda, qui remplacerait le modèle Phazotron N019 installé sur le MiG-29 et le NIIP N001 sur le Su-27. Un système de guerre électronique de nouvelle génération, l’Omut-KM peut être monté sur ces appareils à l’intérieur où dans un module externe. L’entreprise propose de nouveaux autodirecteurs pouvant être adaptées aux missiles air-air Vympel R-27 (AA-10).

Les productions étrangères

Les productions polonaises

WB Electronics un des leaders du secteur de la défense en Pologne était présente.  Cette firme qui emploie 800 personnes dont la moitié dans la recherche et le développement présentait plusieurs équipements dont le tourelleau IBA-M.

Les producteurs turcs étaient nombreux. Kale Group and Baykar Technologies exposaient le drone tactique armé Baykar déjà acquis à 12 exemplaires par l’Ukraine. De nombreuses maquettes étaient exposés sur le stand du constructeur naval turc STM.

Spetstechnoexport et la compagnie Turque Aselsan ont signé un accord de 6 million de dollars pour la fourniture de radios VHF au ministère de la défense ukrainienne. Le contrat signé fait parti d'un accord-cadre conclu entre les deux sociétés pour la fourniture d'équipements de radiocommunication turcs à l'Ukraine, conclu en 2016. Cet accord est mis en œuvre dans le cadre du mécanisme d'obligation de compensation entre les sociétés car la production de systèmes de communication radio turcs est effectuée en Ukraine.

En conclusion

L’Ukraine ne produit pas l’ensemble de ses équipements de défense. Elle a aussi à cœur de se rapprocher des pays occidentaux en faisant notamment l’acquisition de certains équipements.


Le pays a ainsi signé un important contrat en 2018 avec Airbus Helicopter. 21 H 225 en configuration de sauvetage et de transport suite au défaut de l'opérateur canadien CHC et des hélicoptères neufs : 10 H145 (11 millions d'euros par appareil) et 24 H125 (près de 5 millions par appareil). Le contrat prévoit également la mise en place d'une formation locale et d’un centre de maintenance (soit 160 millions environ sur le montant total). Le prix unitaire des Super Puma est de 15,6 millions d'euros.  Un des hélicoptères moyens H225 était exposé au salon de Kiev.

L’Ukraine a aussi acheter récemment des missiles Javelin auprès des États-Unis. La commande approuvée par le Département d’état sans le cadre d’une vente FMS a porté sur 10 postes de tir (Javelin Command Launch Units) et 150 missiles pour un coût ne devant pas excéder 39.2 millions de dollars.
photos questions.defense


23 oct. 2019

Premier atterrissage de 2 Tupolev 160 en Afrique


Deux Tupolev 160M2 russes se sont posés aujourd'hui sur la base aérienne de Waterkloof à Tshwane. C'est la première fois que des appareils de ce type se posent sur le continent africain dans un rare déploiement de coopération entre les forces de défense des deux pays.

Les deux bombardiers, lourds supersoniques ont été escortés par des avions de combat  Gripen et Hawk de l'armée de l'air sud-africaine. Leur l'arrivée  a été reportée de plus de 24 heures en raison de problèmes techniques. Les deux bombardiers avaient été précédés par l’arrivée d'un Ilyushin Il62 et d'un avion cargo AN 124.  Les bombardiers qui ont atteint l' Afrique du Sud, après un ravitaillement en vol, témoigne de la capacité stratégique de l'armée russe a déployer des aéronefs loin de ses bases. Le groupe aérien a décollé  de la base aérienne d'Engels (Russie) et a survolé la mer Noire, l'Iran, la mer d'Oman, l'océan Indien et le canal du Mozambique jusqu'à Waterkloof.

Leur atterrissage a coïncidé avec le début du sommet Russie-Afrique à Sotchi auquel participe le président sud-africain Cyril Ramaphosa. Ce type de déploiement diplomatique a déjà été effectué en Amérique du Sud avec trois visites au Venezuela en 2003, 2008 et 2018.

Dans les années 80, dans un contexte de guerre froide et d'apartheid, des avions TU-95/142  opéraient depuis l'Angola et  effectuaient  des reconnaissances vers la sud-ouest africain et les côtes sud-africaines. Les temps ont bien changé.

Dans le cadre de la coopération avec l'Afrique du Sud, la Russie participera fin novembre à l'exercice naval Mosi avec les marines chinoise et sud-africaine. Une conférence de planification a récemment eu lieu au siège de la flotte de la marine sud africaine à Simon’s Town.
photo Jacques Nelles The citizen